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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

garda le silence. Mais Guillaume était à l’une de ces heures où l’âme trop lourde cherche à se consoler par l’aveu de ses peines.

« Ma mère et moi, nous sommes-nous jamais entendus ? Nous n’avons pas une idée qui nous soit commune. Elle veut ce que je ne veux pas, et ne veut pas, ce que je veux. Elle me choque dans tous mes goûts, comme je la blesse dans tous les siens. Si j’apporte tant d’amertume contre les pantins grotesques qui viennent parader dans son salon, c’est à cause d’elle. Je souffre qu’elle se prête à leurs grimaces et à leurs pirouettes. »

Elle se taisait. Il dit :

« Vous me donnez tort, n’est-ce pas ? Et comme c’est étrange ! devant vous, moi aussi, je me donne tort, et tout en vous disant ces choses, je rougissais comme si j’avais exprimé de vilaines pensées. »

Elle se mit à rire.

« Elles ne sont pas très jolies.

— N’importe, je suis content que vous les connaissiez, je ne veux pas surprendre votre estime. Si je puis l’obtenir, que ce soit sans hypocrisie, sans essayer de vous cacher mes défauts. »

Personne n’avait jamais parlé à Gilberte avec cette gravité et cette déférence. Elle en fut toute remuée et, par un geste spontané, elle tendit la main à Guillaume.

« Nous serons amis, je suis sûre que nous serons amis. »

Il fut sur le point de porter à ses lèvres la petite main gantée, mais il se contint. Elle lui dit :