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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Et ce fut bien des fois en enfant que Gilberte était contente de se trouver avec lui. Ils riaient de la moindre chose, de ce rire puéril qui est d’autant meilleur qu’il n’a point d’autre motif que notre besoin de rire. Ils avaient envie de sauter, de courir, de jouer.

« Mon Dieu, s’écriait Guillaume, comme je suis jeune !

— J’ai deux ans l’année prochaine », affirmait Gilberte.

Ils étaient sérieux aussi. Elle l’interrogea sur ses travaux, désireuse de lire ce qu’il avait publié. Il refusa sous prétexte qu’il n’était point satisfait. Pourtant, il lui montra, d’un directeur de grande revue, une lettre pleine d’éloges.

Il lui prêta ses livres préférés. Elle les dévora.

Mme de la Vaudraye exultait. Maintenant elle ne doutait pas que son rêve ne se réalisât. Trop habile pour laisser paraître sa joie, elle la dissimulait sous des affectations de gratitude.

« Comme c’est gentil à vous, ma chère Gilberte, d’apprivoiser ce grand sauvage ! vous en ferez un homme accompli. »

Et elle soupirait :

« Ah ! si vous en pouviez faire un fils plus attentif et plus reconnaissant à sa mère de tout le mal qu’elle s’est donné pour lui ! »

C’était le chagrin de Gilberte, que ce désaccord qui régnait entre Mme de la Vaudraye et Guillaume. Son besoin d’harmonie la portait à des tentatives continuelles de rapprochement qui ne pouvaient qu’échouer d’ailleurs, la mère étant aussi sèche de cœur