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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

et aussi factice dans ses expansions maternelles que le fils était opiniâtre et renfermé.

Elle dut y renoncer.

Mais un autre tourment l’agitait, né de son extrême sensibilité : à la fin du jour, elle ne se rendait plus sans un certain malaise au pavillon en ruines. Son ami inconnu était fidèle au rendez-vous quotidien qu’ils avaient donné à leurs rêves et, bien que n’y manquant point, il semblait à Gilberte qu’elle avait des torts envers lui. Les yeux perdus dans l’horizon des montagnes, noyés dans le bleu profond du ciel, elle s’abandonnait à de vagues songeries, et s’en allait, s’en allait bien loin du vallon intime où son premier ami attendait le retour de sa pensée. C’était alors, quand la nuit la surprenait dans cette torpeur délicieuse, comme si elle revenait d’un long voyage. Elle s’en voulait presque. Mais de quoi ? Elle n’aurait su le dire.

Un jour, vers cinq heures, au moment de descendre dans son jardin, elle reçut une lettre de Mme de la Vaudraye.

« Ma chère Gilberte, Guillaume et moi avons projeté un petit tour du côté de la forêt d’Andaine, Il fait si beau ! Nous vous attendons… »

Irait-elle ? Les rejoindre, c’était rompre avec les douces habitudes qui avaient donné tant de charme aux heures les plus lourdes de sa vie, c’était renier l’amitié constante des mauvais jours.

Elle hésita, et, tout en hésitant, elle montait dans sa chambre, s’arrangeait, sortait et frappait à la porte des la Vaudraye.