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LA ROBE D’ÉCAILLES ROSES

Suzanne demanda :

« La princesse Dougloff est là ?

— Non, pas encore.

— Vous me présenterez, n’est-ce pas ? »

C’était cela qu’elle voulait ; c’est cela qu’elle avait rêvé, cette sorte de duel qu’est la présentation de deux jolies femmes dans un salon, sous le regard de la galerie qui contemple les adversaires, juge les coups et décerne la palme.

Elle attendait, le cœur ému, les yeux brillants, toute palpitante de joie, augmentant encore sa beauté de tous les hommages qu’elle recueillait. Elle trempa ses lèvres dans une coupe de champagne, et une ivresse délicieuse la surexcita. Les hommes, empressés autour d’elle, l’enveloppaient de leur admiration. Et l’envie même des femmes avait quelque chose d’élogieux et de sympathique.

Mais un bruit de voix s’éleva à l’autre bout des salons et il y eut comme un reflux des habits noirs.

« La voilà, » se dit Suzanne.

Une glace lui renvoya sa propre image. Elle se sourit, pleine de confiance.

« Vite, ma toute belle, dit Mme Créhange, en accourant, vite. la princesse veut absolument que je vous présente. »

Son mari passait à ce moment. Elle l’appela, désireuse qu’il assistât au duel et fût témoin de sa victoire.

« Vous voulez mon bras ? dit Jean.

— Non, non ! Je n’ai besoin de personne. J’irai seule… toute seule… »