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LA ROBE D’ÉCAILLES ROSES

Deux remous se produisaient dans la foule, qui allaient l’un au devant de l’autre, et le bourdonnement des voix s’apaisait comme à l’approche des grands événements.

Suzanne s’avançait radieuse et charmante, son jeune corps moulé dans la tunique de soie qui en traduisait toute la grâce et toute la souplesse.

Devant elle un espace s’ouvrit, et elle vit à quelques pas une femme qui n’était point très jeune, mais qui lui apparut du premier coup comme l’image de ce qu’il y a au monde de plus noble, de plus élégant, de plus harmonieux, de plus somptueux, comme le symbole même de ce que peut produire de plus raffiné l’art de s’embellir et de se diviniser par la magie d’une toilette.

Et cette femme portait la robe d’écailles roses que Suzanne avait vendue.

La rencontre fut telle que les connaisseurs l’auraient pu prédire. Les deux adversaires se valaient. L’élégance souveraine de l’une balança la beauté de l’autre. Et, pour Suzanne, c’était un succès dont elle eût dû se réjouir que d’être l’égale de la princesse Dougloff.

« Ma chérie, lui dit Mme Créhange, vous êtes la première femme qui tienne en face d’elle. Vrai, vous avez le droit d’en concevoir quelque orgueil. »

Qu’elle en eût le droit ou non, Suzanne n’en concevait aucun orgueil, et quand elle s’en alla un peu plus