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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Si quelque regret avait persisté dans son âme scrupuleuse, le plaisir qu’elle goûta, dès le début de cette promenade, l’en délivra bien vite. Le printemps s’essayait à la pointe des branches en petites feuilles d’un vert pâle, sur le bord de la route et au talus des fossés en ces Jolis fleurs du renouveau qui nous sont si chères, anémones, pervenches, primevères, jacinthes, muguets… Des sentiers en berceau fuyaient dans la profondeur des bois. Des parfums, des chants, des couleurs jouaient et se confondaient dans l’allégresse de la jeune nature.

Ils marchaient sans rien dire. Parfois Guillaume et Gilberte, d’un regard, se montraient un coin de paysage, ou la forme d’un arbre, ou l’éclat d’un rayon de soleil, chacun d’eux voulant que l’autre admirât ce qu’il admirait, et se réjouît de ce qui le réjouissait. On s’assit sur la berge d’une mare dont l’eau dormait dans un cercle de vieux pins, qui joignaient leurs bras autour d’elle comme pour danser une ronde immobile. C’était une de ces demeures du silence, qui s’ouvrent au cœur des antiques forêts. Ceux que le hasard y mène et qui comprennent le sens des choses, s’y taisent.

Mme de la Vaudraye s’exclama :

« Au premier beau dimanche, il faudra venir ici en bande, l’endroit se prête tout à fait à un déjeuner sur l’herbe, qu’en dites-vous ? »

Ils ne répondirent pas. Elle reprit :

« Chacun apporterait son plat. Bien entendu, Mme Charmeron confectionnerait sa fameuse daube et Mlle du Bocage sa tarte aux pruneaux. Et puis, au