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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

tié toute neuve et en éprouver l’émotion pour la première fois ! Certes, il n’y avait pas lutte en elle entre deux sentiments, dont l’un était si lointain et si indécis, l’autre si net et si vivant. Et pourtant…

Conflits enfantins qui ne rideraient même pas l’âme des plus scrupuleux, mais qui sont les grandes agitations des consciences paisibles et chastes comme celle de Gilberte.

Mais tout cela avait lieu au fond d’elle, à son insu pour ainsi dire, et ne pouvait atténuer son enchantement de vivre. Car c’était un enchantement, et qui lui paraissait tenir du miracle, quand elle comparait les ténèbres du passé à la lumière éblouissante du présent. D’où lui venaient la joie dont elle frissonnait à son réveil, l’enthousiasme qui la surexcitait à la vue d’une fleur, d’un paysage, de tel spectacle cent fois contemplé et jamais entrevu, cette exaltation de pensées, ces rougeurs subites, ces engourdissements inexplicables de tout son être, et en même temps cette inaltérable sérénité qui doublait les incertitudes de sa vie de force, de foi, de patience et de certitude ?

Aucune allusion ne fut faite à ce qui s’était passé dans la forêt d’Andaine. Mais depuis lors, Mme de la Vaudraye regarda son fils de façon différente, et il y eut, de même, dans sa conduite avec Gilberte, quelque chose qui n’y était point jusqu’ici, une nuance de respect.

Guillaume dit à Gilberte :

« Vous êtes une vraie fée, mieux qu’une fée même, car Votre pouvoir s’exerce sans que vous le désiriez ou que vous le sachiez. Vous n’avez pas besoin de le