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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

main, tous les jours, c’est le bonheur à ma portée. Il est là, je n’ai qu’à le prendre, un mot de moi, et vous êtes ma femme. Car je vous connais, amie adorée, le don de votre cœur, c’est le don de votre vie entière.

« Il faut donc que je parte, si je ne veux pas succomber à la tentation…

« Oh ! Gilberte, vous ne savez pas ce que je souffre, vous qui ne savez pas ce que vous êtes, la créature la plus humaine et la plus divine, la plus simple et la plus noble, un miracle d’harmonie, de séduction et de lumière. Mais vous ne savez rien de vous, et vous n’en saurez jamais rien. On pourrait vous dire, et votre miroir pourrait vous apprendre, toutes les perfections de votre visage et de votre taille, vous ne les sauriez pas encore. Si vous étiez une enfant de dix ans, vêtue de sa robe blanche de première communion, je vous crierais mon admiration avec la même franchise et sans craindre davantage de toucher à votre modestie. Le monde entier serait à vos pieds et chanterait vos louanges que vous n’en seriez pas moins humble. C’est là le prodige de votre nature ingénue. Tout se perd dans votre pureté, comme dans une grande mer limpide où s’évanouiraient toutes les impuretés. On ne peut penser à vous sans évoquer des images de blancheur, de transparence, d’eau claire. Par quel mystère les épreuves de la vie, les réalités du mariage, n’ont-elles pas altéré la fleur de vos yeux innocents ?

« Vos yeux, Gilberte, je ne les verrai donc plus ?… vos yeux d’aurore, vos yeux frais comme la rosée, vos bons yeux tendres, si caressants, si gais, si tristes… »