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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

Elles se virent chaque jour. Selon le temps, elles sortaient en ville ou se promenaient aux environs, appuyées au bras l’une de l’autre et indifférentes à tout ce qui n’était pas elles. L’heure du retour était invariable.

« Ah ! il est cinq heures, voici ces dames qui rentrent », disait-on.

Cette régularité provenait de Gilberte. Aussitôt libre, elle se dirigeait vers le pavillon en ruines et s’y asseyait jusqu’au moment du diner.

« Mais, lui demandait Mme de la Vaudraye, qu’avez-vous donc à être si pressée ? vous ne m’accordez jamais une minute de répit.

— Et mon rendez-vous quotidien ? disait Gilberte en plaisantant.

— Votre rendez-vous ?

— Mais oui, avec votre fils ; que penserait-il de moi, si je n’étais pas exacte ? »

Au cours d’une longue excursion, Mme de la Vaudraye, qui mettait volontiers la conversation sur le chapitre de ses grandeurs passées, lui montra les limites des domaines possédés jadis par ses aïeux. Cela s’étendait sur les deux rives de la Varenne, jusqu’à son confluent avec l’Andainette.

« Sans compter tout ce que nous avions du côté de la forêt, et dont la Révolution nous a dépouillés. Tenez, à la mort de mon père, il nous restait encore toute la vallée. Ma dot comprenait jusqu’au Bas-Moulin. Et il fallait voir en quel état se trouvait le Logis ! quel mobilier, quelles œuvres d’art le décoraient. »