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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

« Eh bien, mère, dit Guillaume, il n’y a là rien de grave.

— Rien de grave », ricana Mme de la Vaudraye.

Tous ses sentiments de petite bourgeoise et de provinciale étaient froissés par cette révélation imprévue. L’orgueil des la Vaudraye criait en elle. Que dirait-on à Domfront si un la Vaudraye épousait une fille sans nom, une enfant trouvée, une aventurière, quoi ! Elle s’imaginait les commérages, les allusions hypocrites, les condoléances dont on l’accablerait : « Pauvre amie, vous devez être bien ennuyée… moi d’ailleurs, je pressentais quelque chose d’équivoque, car enfin. » Et l’on ajouterait entre soi : « Pas de nom ? Allons donc, ceux qui n’en ont pas, c’est qu’ils ont intérêt à n’en pas avoir, c’est qu’ils cachent le leur. »

Elle ne se donna pas la peine de chercher une formule de politesse. Nettement elle déclara :

« Ce mariage est impossible, il ne se fera pas. »

Guillaume eut un mouvement de révolte indignée.

« Impossible ! et pourquoi ?

— Comment ! c’est toi qui me le demandes ?

— Je l’exige, comme fiancé, comme mari de Gilberte.

— Le mari de Gilberte ! mais est-ce que l’on épouse… ?

— Tais-toi, mère. »

Il était debout devant elle, les traits convulsés. Un mot de plus, et il lui fermait la bouche brutalement. Elle eut peur. Il reprit sourdement :

« Tu as raison, il vaut mieux ne pas s’expliquer de-