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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

bonne se retirait, elle jeta machinalement les yeux sur le timbre de l’enveloppe. Un cri lui échappa.

« Guillaume ! »

Ses doigts frissonnaient. Elle ne put que chuchoter : « Une lettre de Dieppe… de mon notaire Oh ! je l’attendais si anxieusement !… Pensez donc, Guillaume. c’est un nom qu’elle m’apporte… plus rien ne nous sépare… »

L’émotion la brisa. Elle se sentait petite et fragile, comme sous une menace de félicité trop grande. Et, se couvrant la figure de ses mains croisées, en un geste qui lui était familier aux heures de trouble, elle pleura délicieusement.

Des minutes s’écoulèrent dans le silence. Elle entendit Guillaume qui ouvrait la porte du jardin. Des pas s’avancèrent, quelqu’un s’assit auprès d’elle, une main dénoua les siennes, c’était Mme de la Vaudraye.

Elle eut un imperceptible mouvement de recul. Mais Mme de la Vaudraye lui dit :

« Gilberte, est-ce que vous avez peur de moi ? »

Et d’un ton si doux qu’elle en fut toute remuée. À travers ses larmes elle la regarda et elle la reconnut à peine. Les traits n’avaient plus leur dureté coutumière, ni le visage cette expression d’orgueil implacable qui lui enlevait tout son charme. Et ce charme maintenant apparaissait dans les yeux moins sévères, dans les rides mélancoliques du front, dans toute cette face douloureuse et flétrie.

« Gilberte, vous vouliez être ma fille… Le voulez-vous encore ? »

Elle n’eût pas le temps de répondre. Guillaume