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LE ROMAN D’UNE JEUNE FILLE

s’était précipité sur les deux femmes et les embrassait tour à tour. Et il lui dit ardemment :

« Aimons-la, Gilberte, nous lui devons beaucoup de reconnaissance pour ce qu’elle fait. C’est le sacrifice de toutes les idées qui lui sont le plus chères, et ce sacrifice, elle y a consenti d’elle-même.

— Allons, Guillaume, ne me donne pas pour meilleure que je ne suis, protesta Mme de la Vaudraye, d’une voix enjouée, es-tu bien sûr que je n’aie pas cédé uniquement à des motifs d’intérêt ? Si Gilberte avait été une pauvre fille, sans fortune…

— Oh ! madame, dit Gilberte, cela compte si peu.

— Oui, pour vous et pour Guillaume, qui êtes jeunes et ne songez qu’à votre amour, mais non pour moi qui ai tant souffert de ma déchéance ! Que voulez-vous ? on ne se refait pas à mon âge, j’ai un nom dont je suis très vaine, et mon rêve a toujours été de lui rendre son éclat. »

Elle caressa gaiement les cheveux de Gilberte.

« Aussi ce que je vous ai choyée, dès le début, Mme Armand ! Hein, vous ne direz pas que j’ai manqué d’adresse pour vous entortiller et vous conduire à mes fins ! Alors, quoi ? un jour, vous m’apprenez que vous avez reconstitué le domaine de ma famille et vous m’offrez de redevenir la maîtresse du Logis. Comment aurais-je le courage de refuser ? »

On sentait en elle comme un désir obscur de réparation envers Gilberte, désir que sa fierté empêchait de se manifester comme son cœur l’eût voulu, mais qui, néanmoins, perçait dans sa façon d’avouer, en plaisantant, les côtés mesquins de sa conduite. Gil-