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Page:Leblanc - La Vie extravagante de Balthazar, paru dans Le Journal, 1924-1925.djvu/50

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Pourquoi Hadidgé, qui lui montrait tant de gentillesse, l’abandonnait-elle ensuite aux mains du bourreau ? Pourquoi Revad pacha préférait-il le sacrifier et s’immoler lui-même plutôt que de consentir au mariage ? Et pourquoi tant de cruauté chez la Catarina à l’endroit de son fils ?

Il souffrait beaucoup. Ses jambes enflèrent. Revad pacha fut repris de fièvre, et son délire ne cessait qu’aux heures où il pouvait outrager la Catarina-la-Bougresse.

Celle-ci perdit patience, et, un matin, on défit leurs chaînes et on les assit devant la fenêtre qui était munie de barreaux solides. Dehors, au-delà des fossés, ondulait un vaste terrain où ils entendaient parfois manœuvrer la petite garnison du château.

Ils virent deux poteaux surmontés d’une pancarte avec leurs noms : « Revad »… « Mustapha ». Des mannequins y étaient attachés. Deux escouades de douze guerriers en jupons furent placées sur deux rangs, en face des poteaux, et, par salves bien réglées, se mirent à fusiller les mannequins.

Catarina annonçait et préparait ainsi pour le lendemain la double exécution de son mari et de son fils. Elle vint une dernière fois, et jusqu’au soir les deux époux vociférèrent. Hadidgé, dont les larmes et les baisers prouvaient un désespoir infini accrocha l’anneau d’or près de Balthazar afin qu’il n’eût qu’un geste à faire pour le passer à son doigt et obtenir sa grâce.

Puis elles s’en allèrent. L’interminable nuit commença. Dans la salle voisine, où se tenaient les soldats de garde, la douce musique s’éleva, balancée entre la voix grave de Hadidgé et le chant en sourdine de la guitare.

Et cela disait tant de choses sur le bonheur, la volupté, les terrasses des maisons d’où l’on voit le soleil pénétrer dans la mer violette, les odeurs de jasmin et d’oranger, les bras et les lèvres d’une femme amoureuse, qu’il se sentit défaillir et près d’avancer la main vers l’anneau d’or. Sa résistance se dispersait comme du sable que le vent soulève.

Pour ne plus entendre, il parla tout haut. Il dit adieu à la dompteuse Angélique, évoqua la noble figure du comte de Coucy-Vendôme, et n’eut que des mots de pardon pour l’assassin Gourneuve. Mais rien ne lui donna plus d’apaisement qu’une longue conversation avec sa fidèle Coloquinte.

« Ne crois pas, Coloquinte, que je re-