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À quoi bon, en effet ! Le fugitif ne pouvait avoir d’autre but, pour ne pas être entraîné par le courant vers le gouffre où disparaissait le gave, que de filer en ligne droite et d’accoster précisément à l’endroit où l’attendaient les deux acolytes, revolver au poing.

Il dut même s’en rendre compte, le fugitif, car subitement il fit volte-face, et revint vers la rive où il n’aurait à combattre qu’un adversaire seul et désarmé.

— Tirez ! tirez ! vociféra Marescal qui devina le manège. Il faut tirer maintenant, puisqu’il revient ! Mais tirez donc, sacrebleu !

Un des hommes fit feu.

Dans la barque il y eut un cri. Raoul lâcha ses avirons et se renversa, tandis que la jeune fille se jetait sur lui avec des gestes de désespoir. Les avirons s’en allaient à vau-l’eau. La barque demeura un instant immobile, indécise, puis elle vira un peu, la proue pointant vers le courant, recula, glissa en arrière, lentement d’abord, plus vite ensuite.

— Crebleu de crebleu, balbutia Marescal, ils sont fichus.

Mais que pouvait-il faire ? Le dénouement ne laissait aucun doute. La barque fut happée par deux torrents de petites vagues hâtives qui se bousculaient de chaque côté de la nappe centrale, une fois encore tourna sur elle-même, brusquement pointa en avant, les deux corps couchés au fond, et fila comme une flèche vers l’orifice béant où elle s’engloutit.