Page:Leblanc - La demoiselle aux yeux verts, paru dans Le Journal, du 8 déc 1926 au 18 jan 1927.djvu/137

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cela ne se passa pas certainement plus de deux minutes après que les deux fugitifs eurent quitté la rive.

Marescal ne bougea point. Les pieds dans l’eau, la figure contractée d’horreur, il regardait l’emplacement maudit, comme s’il eût contemplé une bouche de l’enfer. Son chapeau flottait sur l’étang. Sa barbe et ses cheveux étaient en désordre.

— Est-ce possible ! est-ce possible !… bégayait-il… Aurélie… Aurélie…

Un appel de ses hommes le réveilla de sa torpeur. Ils firent un grand détour pour le rejoindre et le trouvèrent en train de se sécher. Il leur dit :

— Est-ce vrai ?

— Quoi ?

— La barque ?… Le gouffre ?…

Il ne savait plus. Dans les cauchemars, d’abominables visions passent ainsi, laissant l’impression de réalités affreuses.

Tous trois ils gagnèrent le dessus du trou que marquait une dalle et qu’entouraient des roseaux et des plantes accrochées aux pierres. L’eau arrivait en menues cascades où s’arrondissait çà et là le dos luisant de grosses roches. Ils se penchèrent. Ils écoutèrent. Rien. Rien qu’un tumulte de flots pressés. Rien qu’un souffle froid qui montait avec la poudre blanche de l’écume.

— C’est l’enfer, balbutia Marescal… c’est une des bouches de l’enfer.

Et il répétait :

— Elle est morte… elle est noyée… Est-ce bête !… quelle mort effroya-