Il y pensait avec complaisance. Dans son demi-sommeil il voyait les beaux yeux bleus couleur du ciel. Chose bizarre, ils se teintaient peu à peu de nuances imprévues, et devenaient verts, couleur des flots. Il ne savait plus trop si c’étaient ceux de l’Anglaise ou de la Parisienne qui le regardaient dans ce demi-jour indistinct. La jeune fille de Paris lui souriait gentiment. À la fin c’était bien elle qui dormait en face de lui. Et un sourire aux lèvres, la conscience tranquille, il s’endormit également.
Les songes d’un homme dont la conscience est tranquille et qui entretient avec son estomac des relations cordiales ont toujours un agrément que n’atténuent même pas les cahots du chemin de fer. Raoul flottait béatement dans des pays vagues où s’allumaient des yeux bleus et des yeux verts, et le voyage était si agréable qu’il n’avait pas pris la précaution de placer en dehors de lui, et pour ainsi dire en faction, comme il le faisait toujours, une petite partie de son esprit.
Ce fut un tort. En chemin de fer, on doit toujours se méfier, principalement lorsqu’il y a peu de monde. Il n’entendit donc point s’ouvrir la porte de la passerelle à soufflet qui servait de communication avec la voiture précédente (voiture numéro quatre) ni s’approcher à pas de loup trois personnages masqués et vêtus de longues blouses grises, qui firent halte devant son compartiment.
Autre tort : il n’avait pas voilé l’ampoule lumineuse. S’il l’eût voilée