des gâteaux et des verres de grenadine. Elle les avait rencontrés à la porte et les régalait pour la joie évidente de voir leurs yeux s’allumer de plaisir et leurs joues se barbouiller de crème. Ils n’osaient parler et s’empiffraient à plein gosier. Mais, plus enfant qu’eux, elle s’amusait infiniment, et bavardait pour eux tous : « Qu’est-ce qu’on dit à la demoiselle ?… Plus haut… Je n’ai pas entendu… Non, je ne suis pas une madame… On doit me dire : « Merci, mademoiselle… »
Raoul de Limézy fut aussitôt conquis par deux choses la gaieté heureuse et naturelle de son visage et la séduction profonde de deux grands yeux verts couleur de jade, striés d’or, et dont on ne pouvait détacher son regard quand on l’y avait une fois fixé.
De tels yeux sont d’ordinaire étranges, mélancoliques, ou pensifs, et c’était peut-être l’expression habituelle de ceux-là. Mais ils offraient en cet instant le même rayonnement de vie intense que le reste de la figure, que la bouche malicieuse, que les narines frémissantes, et que les joues aux fossettes souriantes.
— Joies extrêmes ou douleurs excessives, il n’y a pas de milieu pour ces sortes de créatures, se dit Raoul qui sentit en lui le désir soudain d’influer sur ces joies ou de combattre ces douleurs.
Il se retourna vers l’Anglaise. Elle était vraiment belle, d’une beauté puissante, faite d’équilibre, de proportion et de sérénité. Mais la demoiselle aux yeux verts, comme il l’appela, le fascinait davantage. Si on admirait l’une, on souhaitait de connaître l’autre et de pénétrer dans le secret de son existence.