ques, sur certains êtres que les circonstances avaient désorbités, et auxquels il rendait l’équilibre et faisait oublier un instant l’affreuse réalité.
Lui aussi, d’ailleurs, il se détournait du drame. L’Anglaise morte s’évanouissait dans sa mémoire, et ce n’était pas la femme en blouse tachée de sang qu’il tenait contre lui, mais la femme de Paris élégante et radieuse. Il avait beau se dire : « Je la punirai. Elle souffrira », comment n’eût-il pas senti la fraîche haleine qui s’exhalait des lèvres proches ?
Les yeux des lanternes s’agrandissaient. Le médecin arriverait dans huit ou dix minutes.
— Et alors, se dit Raoul, il faudra que je me sépare d’elle et que j’agisse… et ce sera fini… Je ne pourrai plus retrouver entre elle et moi un instant comme celui-ci… un instant qui aura cette intimité…
Il se penchait davantage. Il devinait qu’elle gardait les paupières closes et qu’elle s’abandonnait à sa protection. Tout était bien ainsi, devait-elle penser. Le danger s’éloignait.
Brusquement il s’inclina et lui baisa les lèvres.
Elle essaya faiblement de se débattre, soupira et ne dit rien. Il eut l’impression qu’elle acceptait la caresse, et que, malgré le recul de sa tête, elle cédait à la douceur de ce baiser. Cela dura quelques secondes. Puis un sursaut de révolte la secoua. Elle raidit les bras et se dégagea, avec une énergie soudaine, tout en gémissant :
— Ah ! c’est abominable ! Ah !