Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/131

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que la cognée entame jusqu’au fond même du cœur.

Le sous-secrétaire d’État, qui avait examiné la feuille tendue par Philippe, reprit :

— En tout cas, monsieur Morestal, ces lignes furent tracées par vous ?

— Oui, monsieur le ministre. J’ai raconté déjà la démarche que le sieur Dourlowski avait tentée auprès de moi et la réponse que j’avais faite.

— C’était la première fois que cet individu essayait ?…

— La première fois, dit Morestal après une imperceptible hésitation.

— Alors ce papier ?… ces lignes ?…

— Ces lignes furent tracées par moi au cours de l’entretien. À la réflexion, je rejetai la feuille. Je comprends maintenant que Dourlowski l’a ramassée derrière mon dos et qu’il s’en est servi pour l’exécution de son plan. Si les agents l’avaient trouvée sur le déserteur, c’était la preuve de ma culpabilité. Du moins, eût-on interprété cela de la sorte… comme le fait mon fils. J’espère, monsieur le ministre, que cette interprétation ne sera pas la vôtre.

Le Corbier resta pensif un assez long moment, consulta les dossiers et prononça :

— Les deux gouvernements se sont mis d’accord pour laisser en dehors du débat tout ce qui se rapporte à la désertion du soldat Baufeld, au rôle du sieur Dourlowski, et à l’accusation de complicité lancée contre le commissaire français, et contre vous, monsieur Morestal. Ce sont là des questions d’ordre judiciaire qui relèvent des tribunaux allemands. Le seul fait pour lequel j’ai été délégué, c’est d’établir si, oui ou non, l’arrestation a eu lieu sur le territoire français. Ma mission est très étroite. Je ne veux pas m’en écarter. Je vous prie donc, monsieur Philippe Morestal, de me dire, ou plutôt de me confirmer, ce que vous savez à ce sujet.

— Je ne sais rien.