Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/187

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Mais des cris rappelèrent le capitaine au salon. Le fils du jardinier dégringolait de son observatoire en criant :

— De la fumée à la ferme Saboureux ! Des flammes ! On voit des flammes !

Le capitaine bondit sur la terrasse.

La fumée, en effet, tourbillonnait au-dessus de la grange. Des lueurs s’allumèrent, faibles encore, hésitantes. Et soudain, comme libérées, les flammes jaillirent en spirales furieuses. Le vent les rabattit aussitôt. Le toit de la maison prit feu. Et ce fut, en quelques minutes, l’incendie violent, la flambée hâtive des poutres vermoulues, du chaume sec, des bottes de foin et de paille accumulées par centaines dans la grange et dans les hangars.

— Au travail ! clama le capitaine joyeusement… Le col du Diable est obstrué par les flammes… Il y en a bien pour quinze ou vingt minutes… et l’ennemi n’a pas d’autre route…

La fièvre s’empara des soldats. Sous le fardeau des sacs, si lourds qu’ils fussent, aucun d’eux ne pliait. Le capitaine répartit les gradés de place en place pour que ses ordres pussent être transmis de la terrasse à toutes les extrémités du domaine.

Le lieutenant Fabrègues survint. Les matériaux manquaient et le mur trop élevé demeurait en plusieurs endroits inaccessibles aux tireurs. Mme Morestal fut héroïque.

— Prenez les meubles, mon capitaine, les chaises, les tables. Démolissez, s’il le faut… Brûlez même… Faites comme si mon mari était là.

M. Morestal m’a parlé d’un dépôt