— Qu’y a-t-il dans cette lettre ? dit Marthe.
— Ma démission.
— Ta démission ! ta démission de professeur ?
— Oui. Cette lettre partira dès le moment où j’aurai tout avoué à mon père. Je n’avais pas voulu t’en parler jusqu’ici, par crainte de tes objections… Mais j’ai eu tort… Il faut que tu saches…
— Je ne comprends pas, balbutia-t-elle… je ne comprends pas…
— Si, Marthe, tu comprends. Les idées qui m’ont peu à peu conquis, et auxquelles je veux me consacrer sans réserve, sont dangereuses pour de jeunes cerveaux. C’est la foi d’une époque que j’appelle de toutes mes forces, mais ce n’est pas celle d’aujourd’hui, et je n’ai pas le droit de l’enseigner aux enfants que l’on m’a confiés.
Elle fut sur le point, songeant à ses enfants à elle, que cette décision allait atteindre dans leur bien-être et dans leur avenir, elle fut sur le point de s’écrier : « Qui t’oblige au scandale ? Étouffe de vains scrupules et continue d’enseigner ce qu’il y a dans les manuels et dans les livres. » Mais elle savait qu’il était comme ces prêtres qui aiment mieux la misère et la malédiction de tous, que de prêcher une religion à laquelle ils ne croient plus.
Et elle lui dit simplement :
— Je ne partage pas toutes tes opinions, Philippe. Il en est même qui m’effraient… surtout celles que j’ignore et dont j’ai l’intuition. Mais quel que soit le but où tu nous mènes, j’irai les yeux fermés.
— Et… jusqu’ici… tu m’approuves ?
— Entièrement. Tu dois agir selon ta conscience, envoyer cette lettre, et, tout d’abord, prévenir ton père. Qui sait ! peut-être admettra-t-il…
— Jamais s’écria Philippe. Ceux qui regardent en avant peuvent encore comprendre les croyances d’autrefois, puisqu’elles furent les leurs quand ils étaient jeunes. Mais ceux qui s’accrochent au passé ne peuvent pas admettre des idées qu’ils ne