Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/47

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— Et puis, ajouta le commissaire spécial, tu peux bien tenir compagnie à Suzanne, c’est son dernier soir. À tout à l’heure, les enfants. Quand l’horloge du beffroi sonnera dix coups, vous pouvez être sûrs que les deux conspirateurs seront de retour… n’est-ce pas, Morestal ?

Ils s’éloignèrent, laissant Philippe assez embarrassé.

Suzanne éclata de rire :

— Mon pauvre Philippe, vous avez l’air tout déconfit. Voyons, un peu de courage. Que diable ! Je ne vous mangerai pas.

— Non, dit-il, en riant aussi. Mais, tout de même, il est étrange…

— Tout de même il est étrange, acheva-t-elle, que nous fassions l’un près de l’autre le tour de ce jardin, comme je vous l’avais demandé. Résignez-vous. C’est le clair de lune obligatoire.

La lune, en effet, se dégageait lentement des gros nuages amoncelés à la cime d’une montagne et sa lueur dessinait sur les pelouses l’ombre régulière des sapins et des ifs. Le temps était lourd d’orages prochains. Un vent tiède remuait des parfums de plantes et de gazon.

Trois fois, ils suivirent l’allée extérieure, le long d’une haie et le long d’un mur. Ils ne disaient rien, et ce silence, qu’il lui était