tard de façon si nette, Marthe la brutalisa.
— Tu es folle, aujourd’hui… laisse-moi tranquille.
Elle s’élança au milieu des bois et, quelques minutes après, atteignit une carrière abandonnée. Le sentier n’allait pas plus loin. Elle eut un mouvement de rage, fut sur le point de se coucher à terre et de pleurer, puis reprit sa course, car il lui semblait percevoir des appels. C’était Suzanne, en effet, qui avait vu un homme à cheval revenir de la frontière et qui avait essayé vainement de se faire entendre. Sans doute apportait-il des nouvelles…
Haletantes, à bout de forces, elles s’en retournèrent. Mais, au Vieux-Moulin, il n’y avait personne, personne que Mme Morestal et Catherine, qui priaient sur la terrasse. Tous les domestiques étaient partis à l’aventure, et l’homme à cheval, un paysan, avait passé sans lever la tête.
Alors elles tombèrent assises près de la balustrade, stupides, épuisées par l’effort qu’elles venaient d’accomplir, et il s’écoula des minutes effroyables. Chacune des trois femmes pensait à sa douleur particulière, et chacune, en outre, subissait l’angoisse du malheur inconnu qui les menaçait toutes trois. Elles n’osaient pas se regarder. Elles n’osaient point parler, quoique le silence les torturât. Le moindre bruit était un motif d’espoir insensé ou de crainte horrible, et, les yeux sur la ligne des bois sombres, elles attendaient.
Soudain, elles tressautèrent. Catherine, qui veillait sur les marches de l’escalier, s’était dressée.
— Voilà Henriot, cria-t-elle.
— Henriot ? fit Mme Morestal.
— Oui, le garçon du jardinier, je le reconnais.
— Où ça ? On ne l’a pas vu venir.
— Il a dû prendre un raccourci… Il monte l’escalier… Vite, Henriot !… dépêche-toi !… Tu sais quelque chose ?
Elle tira la grille, et un gamin d’une quinzaine d’années, le visage en sueur, apparut.
Tout de suite, il dit :