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Page:Leblanc - La frontière, paru dans l'Excelsior, 1910-1911.djvu/86

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tion, le péril qui menaçait Suzanne et qui pouvait anéantir le bonheur de son propre ménage. Une maladresse et tout se découvrait. Et cette idée, au lieu de se traduire chez lui en un sursaut de clairvoyance, augmentait son désarroi.

— Il faut sauver Suzanne, répétait-il, avant tout il faut la sauver.

Mais il sentait qu’il n’avait pas plus de pouvoir sur les événements qui se préparaient que l’on n’en a contre la tempête qui approche. Et une peur sourde croissait en lui.

III

La tête nue, les cheveux en désordre, ses vêtements déchirés, sans col, du sang sur sa chemise, à ses mains, sur son visage, du sang partout, une blessure au cou, une autre à la lèvre, méconnaissable, atroce, mais superbe d’énergie, héroïque et triomphant, tel surgit le vieux Morestal.

Il exultait.

— Présent ! clama-t-il.

Un rire énorme roula sous sa moustache.

— Morestal ? Présent !… Morestal, pour la seconde fois prisonnier du Teuton… et, pour la seconde fois, libre.

Philippe le regardait avec stupeur, comme une apparition.

— Eh bien ! le fiston, c’est ainsi qu’on me reçoit ?

Saisissant une serviette, d’un large mouvement il essuya sa figure. Puis il attira sa femme contre lui.

— Qu’on m’embrasse, la mère ! À ton tour, Philippe… À ton tour, Marthe !… Et toi aussi, la belle Suzanne… une fois pour moi, et l’autre pour ton père… Ne pleure pas, ma fille… Il va bien, le papa… On le dorlote comme un empereur, là-bas… en attendant qu’on le relâche. Et ça ne tardera pas. Par Dieu, non ! J’espère que le gouvernement français…