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tendu, avait puissamment contribué à l’arrestation du personnage et l’avait remis entre les mains des gardes, Lupin sortait du Palais, le cœur étreint d’angoisse. Sur le quai, il trouva son automobile. Il s’y jeta, désespéré, assailli par un tel chagrin qu’il lui fallut un effort pour retenir ses larmes. L’appel de Gilbert, sa voix éperdue de détresse, sa figure décomposée, sa silhouette chancelante, tout cela hantait son cerveau, et il lui semblait que jamais plus il ne pourrait oublier, ne fût-ce qu’une seconde, de pareilles impressions.

Il rentra chez lui, au nouveau domicile qu’il avait choisi parmi ses différentes demeures, et qui occupait un des angles de la place Clichy. Il y attendit Grognard et Le Ballu avec lesquels il devait procéder, ce soir-là, à l’enlèvement de Daubrecq.

Mais il n’avait pas ouvert la porte de son appartement qu’un cri lui échappa : Clarisse était devant lui ; Clarisse revenue de Bretagne à l’heure même du verdict.

Tout de suite, à son attitude, à sa pâleur, il comprit qu’elle savait. Et tout de suite, en face d’elle, reprenant courage, sans lui laisser le temps de parler, il s’exclama :

— Eh bien, oui, oui… mais cela n’a pas d’importance. C’était prévu. Nous ne pouvions pas l’empêcher. Ce qu’il faut, c’est conjurer le mal. Et cette nuit, vous entendez, cette nuit, ce sera chose faite.

Immobile, effrayante de douleur, elle balbutia :

— Cette nuit ?

— Oui. J’ai tout préparé. Dans deux heures, Daubrecq sera en ma possession. Cette nuit, quels que soient les moyens que je doive employer, il parlera.

— Vous croyez ? dit-elle faiblement, et comme si déjà un peu d’espoir eût éclairé son visage.

— Il parlera. J’aurai son secret. Je lui