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Page:Leblanc - Le Bouchon de cristal, paru dans Le Journal, 25-09 au 09-11-1912.djvu/27

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le pied de grue dans le square depuis quelques jours ! De la police aussi, monsieur Polonius ? Allons, remettez-vous, je ne vous veux aucun mal… Mais vous voyez, Clémence, la justesse de mon calcul. Il est entré ici, selon vous, neuf mouchards. Moi, en revenant, j’en ai compté, de loin, sur l’avenue, une bande de huit. Huit ôtés de neuf reste un, lequel évidemment était resté ici en observation. Ecce Homo.

— Et après ? dit Lupin, qui avait une envie folle de sauter sur le personnage et de le réduire au silence.

— Après ? Mais rien du tout, mon brave. Que voulez-vous de plus ? La comédie est finie. Je vous demanderai seulement de porter au sieur Prasville, votre maître, cette petite missive que je viens de lui écrire. Clémence, veuillez montrer le chemin à M. Polonius. Et, si jamais il se présente, ouvrez-lui les portes toutes grandes. Vous êtes ici chez vous, monsieur Polonius. Votre serviteur…

Lupin hésita. Il eût voulu le prendre de haut, et lancer une phrase d’adieu, un mot de la fin, comme on en lance au théâtre du fond de la scène, pour se ménager d’une belle sortie et disparaître tout au moins avec les honneurs de la guerre. Mais sa défaite était si pitoyable qu’il ne trouva rien de mieux que d’enfoncer son chapeau sur la tête, d’un coup de poing, et de suivre la concierge en frappant des pieds. La revanche était maigre.

— Bougre de coquin ! cria-t-il une fois dehors et en se retournant vers les fenêtres de Daubrecq. Misérable ! Canaille ! Député ! Tu me la paieras celle-là … Ah ! monsieur se permet… Ah ! monsieur a le culot… Eh bien, je jure Dieu, monsieur, qu’un jour ou l’autre…

Il écumait de rage, d’autant que, au fond de lui, il reconnaissait la force de cet ennemi nouveau, et qu’il ne pouvait nier la maîtrise déployée en cette affaire.

Le flegme de Daubrecq, l’assurance avec laquelle il roulait les fonctionnaires de la