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— Quoi ? Qu’est-ce que vous dites ? le sort affreux ?… Alors, vous croyez… vous croyez…

— Je crois réellement, dit Lupin, qui sentit combien cette menace la bouleversait, je crois réellement que si je n’arrive pas à temps, Gilbert est perdu.

— Taisez-vous… taisez-vous…, cria-t-elle en l’étreignant brutalement…, taisez-vous… je vous défends de dire cela… Il n’y a aucune raison… C’est vous qui supposez…

— Ce n’est pas seulement moi, c’est aussi Gilbert…

— Hein ? Gilbert ! comment le savez-vous ?

— Par lui-même.

— Par lui ?

— Oui, par lui, il n’espère plus qu’en moi, par lui qui sait qu’un seul homme au monde peut le sauver, et qui m’a appelé désespérément, il y a quelques jours, du fond de sa prison. Voici sa lettre.

Elle saisit avidement le papier et lut en bégayant :

« Au secours, patron… je suis perdu… J’ai peur… au secours… »

Elle lâcha le papier. Ses mains s’agitèrent dans le vide. On eût dit que ses yeux hagards voyaient la sinistre vision qui, tant de fois déjà, avait épouvanté Lupin. Elle poussa un cri d’horreur, tenta de se lever et tomba évanouie.


V. — Les Vingt-Sept


L’enfant dormait paisiblement sur le lit. La mère ne remuait pas de la chaise longue où Lupin l’avait étendue, mais sa respiration plus calme, le sang qui revenait à sa figure, annonçaient un réveil prochain.

Il remarqua qu’elle portait une alliance. Voyant un médaillon qui pendait au corsage, il s’inclina et aperçut, après l’avoir retourné, une photographie très réduite qui représentait un homme d’une quarantaine d’années et un enfant, un adolescent plutôt, en costume de collégien, dont il étudia le frais visage encadré de cheveux bouclés.