Page:Leblanc - Le Bouchon de cristal, paru dans Le Journal, 25-09 au 09-11-1912.djvu/71

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Cet objet, vous le connaissez. Deux fois, vous l’avez eu en mains. Deux fois je vous l’ai repris. Eh bien, je suis en droit de croire que si vous avez voulu vous l’approprier, c’est pour user du pouvoir que vous lui attribuez, et pour en user à votre bénéfice…

— Comment cela ?

— Oui, pour en user selon vos desseins, dans l’intérêt de vos affaires personnelles, conformément à vos habitudes de…

— De cambrioleur et d’escroc, acheva Lupin.

Elle ne protesta pas. Il tâcha de lire, au fond de ses yeux, sa pensée secrète. Que voulait-elle de lui ? Que craignait-elle ? Si elle se méfiait, ne pouvait-il, lui aussi, se méfier de cette femme qui, deux fois, lui avait repris le bouchon de cristal pour le rendre à Daubrecq ? Si mortellement ennemie qu’elle fût de Daubrecq, jusqu’à quel point demeurait-elle soumise à la volonté de cet homme ? En se livrant à elle, ne risquait-on pas de se livrer à Daubrecq ?… Cependant, il n’avait jamais contemplé des yeux plus graves et un visage plus sincère.

Sans plus hésiter il déclara :

— Mon but est simple : la délivrance de Gilbert et Vaucheray.

— Est-ce vrai ?… Est-ce vrai ?… cria-t-elle, toute frémissante, et en l’interrogeant d’un regard anxieux.

— Si vous me connaissiez…

— Je vous connais… Je sais qui vous êtes… Voilà des mois que je suis mêlée à votre vie, sans que vous le soupçonniez… et cependant, pour certaines raisons, je doute encore…

Il prononça plus fortement :

— Vous ne me connaissez pas. Si vous me connaissiez, vous sauriez qu’il ne peut y avoir de répit pour moi avant que mes deux compagnons… ou tout au moins Gilbert, car Vaucheray est une canaille… avant que Gilbert ait échappé au sort affreux qui l’attend.

Elle se précipita sur lui et le saisit aux épaules avec un véritable affolement :