Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/184

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tremblante. Ses tempes étaient inondées de sueur, et son sang battait dans ses artères à larges coups. Silas Farwell, qui, tout à sa colère, n’avait saisi que quelques mots au vol de cette conversation téléphonique, lui demanda :

— Avez-vous appris quelque chose ? Vous a-t-on donné des renseignements ?

Max Lamar, de plus en plus assombri, ne répondit pas.

Silas Farwell insista ?

— Pourquoi cet air bouleversé, alors ? Parlez ! Il me semble avoir entendu prononcer le nom de Mlle Travis…

Max gardait toujours le silence.

— Mais oui, j’ai bien compris, continuait Silas, le nom de cette femme qui sort d’ici, de cette aventurière.

À ce mot, Max Lamar bondit :

— Je vous défends, entendez-vous, je vous défends, vous surtout, de prononcer une telle épithète en parlant de cette jeune fille, honorable entre toutes !

Silas Farwell recula devant le regard étincelant d’indignation de Max Lamar.

Ce dernier, s’étant calmé un peu, reprit d’une voix sourde :

— Ce que je viens d’entendre, monsieur Farwell, ne vous concerne pas. Il s’agit d’une affaire absolument personnelle.

— C’est possible, dit Silas Farwell, mais le vol dont je viens d’être victime est une affaire qui m’est personnelle à moi… Et ça ne se passera pas comme ça, je vous prie de le croire. Je vais à la police…

Il se dirigeait vers, la porte. Max Lamar l’arrêta par le bras.

— En ce qui vous regarde, lui dit-il d’une voix sourde, et dans votre propre intérêt, je vous engage à ne souffler mot de ceci à qui que ce soit avant que nous ayons trouvé la clef de ce mystère… Vous m’entendez… à qui que ce soit… c’est un avis que je vous donne… un ordre même si vous voulez… oui, un ordre absolu…



XXIX

Vers la réhabilitation


Le chauffeur ainsi que le lui avait recommandé Florence Travis, avait conduit la voiture jusqu’au parc public et s’était arrêté dans l’allée déserte et ombragée que lui avait désigné la jeune fille.

Dans l’auto, Gordon attendait sans trop d’impatience, le retour de la jeune fille. Il avait l’impression que sa destinée entrait dans une phase nouvelle. La confiance qui se dégageait de Florence le gagnait et l’animait à son tour. Une aurore apparaissait, lointaine encore, dans la nuit de sa destin née bouleversée, et il lui semblait que tous ses malheurs allaient être finis.

Ah ! certes, en dehors même de toute pensée d’humanité, il était heureux d’avoir sauvé Max Lamar, car c’était bien depuis ce moment que la fortune avait cessé de lui être contraire. Il repassait dans sa mémoire tous les détails des événements précédents. Il revoyait sa cabane en flammes ; sa course éperdue sur la grande route, le camion auquel il s’était accroché, son retour à la ville, l’entrepôt de planches où il avait, si adroitement brûlé la politesse aux détectives qui le poursuivaient. Il revoyait, dans le bureau de Max Lamar, Florence, dont l’accueil avait été si bienveillant. Il revoyait son visage si beau, si vivant, si expressif, et qu’animait durant leur conversation un si généreux intérêt.

Il revoyait les incidents qui avaient accompagné leur fuite du bureau de Max Lamar.

Mais tout cela n’était-il point qu’un rêve ?