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Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/194

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Watson lut à haute voix la suscription de l’enveloppe qu’il venait de ramasser.

Pour les ouvriers de la Coopérative Farwell

— Il faut l’ouvrir, crièrent certains.

— C’est peut-être un piège, déclarèrent d’autres.

— Ça ne coûte rien de regarder, dit Watson.

Et il fit sauter les cachets de l’enveloppe.

Un flot de billets de banque s’en échappa que l’ouvrier retint à grand’peine. À ces billets était jointe une lettre dont il donna lecture d’une voix que l’émotion faisait trembler.

Aux ouvriers de la coopérative Farwell :

Voici les bénéfices qui vous reviennent et que vous réclamez avec raison. Répartissez-les entre vous. Ils sont votre propriété. M. Silas Farwell en est quitte avec vous.

La Dame au Cercle Rouge.


Une immense clameur montant vers le ciel succéda à une explicable stupéfaction.

Ces braves gens étaient heureux de cette mystérieuse intervention, qui leur restituait le fruit de leur labeur.

Watson était remonté sur sa borne.

— Mes chers amis, nous ferons cet après-midi le partage de cette somme qui nous parvient si miraculeusement. En attendant, je vous demande d’acclamer l’inconnue à qui nous devons cette restitution.

Un tonnerre de hourras lui répondit.

Cette rumeur énorme qui montait de la route parvint aux oreilles de Silas Farwell, qui, dans les bureaux de l’usine, attendait, non sans inquiétude, la rentrée de son personnel.

Connaissant les intentions peu bienveillantes des ouvriers à son égard, il n’avait pas osé se montrer pendant la discussion, qu’il avait suivie, anxieusement posté derrière les carreaux d’une fenêtre.

Les derniers cris arrivés jusqu’à lui lui semblèrent empreints d’enthousiasme. Les visages s’étaient détendus et, de loin, lui paraissaient joyeux. Ce changement brusque l’intrigua. Il voulut se rendre compte de ce qui se passait et sortit sans hésitation.

Ayant descendu les degrés du perron, il se dirigea vers le groupe des ouvriers.

— Que se passe-t-il ? demanda-t-il. Qu’attendez-vous pour entrer ?

Sans mot dire, Watson prit dans sa poche la précieuse enveloppe, et retira soigneusement les billets et tendit la lettre à Silas Farwell.

Il faut renoncer à peindre la fureur de l’industriel. Non seulement il avait été volé, mais, par-dessus le marché, il était joué. Cet argent qui, la veille, lui avait été dérobé, était, par une voie inconnue, retourné à ceux qui y avaient droit.

Le voleur — ou plutôt la voleuse, car son opinion n’avait pas varié au sujet de Florence — connaissait donc bien d’un bout à l’autre l’histoire de Gordon et de la