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Épisode 11

La Dame au Cercle Rouge

XXXIV

La fin d’un bandit


Sam Smiling, on le sait, était un simulateur de première force. Il l’avait prouvé lors de ses premiers démêlés avec la justice, et, au cours de la scène de l’hôpital, il venait, une fois encore, de jouer, avec une habileté consommée, le rôle qu’il s’était fixé. Les médecins, les infirmiers et Randolph Allen avaient été persuadés qu’il était à toute extrémité. Il avait su donner à ses révélations l’apparence de la confession solennelle d’un homme qui se sait perdu et qui parle en toute franchise. Ce faisant, il avait persuadé à tout le monde que la gravité de son état le rendait incapable d’accomplir le plus faible effort physique.

Tout risque d’évasion de sa part semblant ainsi avoir été écarté, on ne laissa dans sa chambre qu’un seul gardien.

Celui-ci, quoique rigoureux observateur de la consigne, crut pouvoir se relâcher un peu de sa surveillance vis-à-vis d’un homme aussi grièvement atteint.

Aussi n’eut-il pas la moindre hésitation à se conformer au désir que lui exprima Sam Smiling, qui l’appela d’un geste las et lui dit d’une voix éteinte :

— J’aurais besoin d’un autre oreiller. J’ai la tête trop basse et j’étouffe. Voulez-vous voir s’il n’y en a pas un dans le cabinet à côté ?

Sans méfiance ; le gardien ouvrit la porte de la petite pièce voisine pour y chercher l’oreiller demanda par le malade.

À peine avait-il pénétré dans le cabinet que Sam Smiling, se coulant rapidement au bas de son lit, sauta sur la porte qu’il ferma à double tour, emprisonnant ainsi son gardien.

Ce dernier, étant de la sorte pris au piège, se mit à frapper et à appeler de toutes ses forces.

— Tu peux toujours faire du raffut, mon bonhomme, murmura Sam, tout en passant un pantalon. La porte est solide : tu ne l’enfonceras pas.

Mais les cris du policier donnèrent l’éveil et le docteur, un interne et l’infirmière accoururent précipitamment.

Comme ils ouvraient la porte de la salle, Smiling, qui, derrière le battant, se tenait aux aguets, se rua sur eux, les bouscula violemment et les rejeta dans le corridor, où il se trouva avec eux. Alors, apercevant sur une tablette un appareil téléphonique portatif, il s’en saisit et se mit à le faire tournoyer au-dessus de sa tête, comme il eût fait d’une massue.

— Ah ! le bandit, s’écria l’interne, en cherchant à éviter les coups. Quelle comédie nous a-t-il jouée ?

Et, courageusement, il s’élança sur le furieux pour le maîtriser.

Smiling était sur ses gardes. Il fit un saut de côté et asséna avec l’appareil téléphonique un coup violent sur la tête de l’interne, qui, étourdi, tomba sur le plancher.

Mais alors Sam se trouva tout à coup en présence d’un nouvel adversaire : l’infirmière s’était glissée dans la salle et avait