Page:Leblanc - Le Cercle rouge, paru dans Le Journal, 1916-1917.djvu/236

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Mais Florence, redressée, toute vibrante, s’écria :

— Eh bien ! non, je ne partirai pas ! Rien ne pourra me convaincre. Je sens que je n’ai pas le droit de me soustraire à la justice. Si j’ai mal fait, qu’on me condamne et que j’expie. Si je suis innocente, qu’on m’acquitte ! Mary, emporte ces vêtements, cette valise dont je ne me servirai pas. Docteur Lamar, monsieur Gordon, je sais que vous ne m’abandonnerez pas et j’ai l’espérance très ferme que vous saurez, au grand jour de l’audience, faire rendre l’honneur et la liberté à celle qui fut marquée par le Cercle Rouge. Je dis bien : qui fut, car j’espère aussi que celle qui affrontera les juges ce jour-là sera une femme nouvelle.

Max Lamar garda le silence un long moment. Puis s’approchant de Florence :

— Vous ne redoutez rien ?

— Rien. Tout m’est indifférent. Je veux guérir.

— Alors, vous refusez de fuir ?

— Je refuse.

Il la regarda tendrement. Il avait les yeux mouillés de larmes. Puis il fléchit le genou devant elle et prononça :

— Vous êtes admirable, ma Flossie. Vous êtes la plus noble des femmes.

Elle hocha la tête et sourit encore.

— Cela m’est très facile, Max.

— Cela vous est très facile d’affronter de nouvelles épreuves, de risquer la prison ?

— Oui.

Et elle ajouta simplement :

— Je vous aime.



XXXIX

La douleur d’une mère


On sait dans quelles circonstances mystérieuses et tragiques la fille de Jim Barden et le fils de Mme Travis, au moment de leur naissance, avaient été substitués l’un à l’autre. Ni Mme Travis ni Jim Barden n’avaient connu le fatal secret. Mary seule le savait, mais elle n’avait osé le divulguer à personne, jusqu’au jour où Florence, en qui avait éclaté l’hérédité funeste, l’avait obligée à lui en faire l’aveu.

Mme Travis, donc, n’avait jamais douté, que Florence ne fût pas sa fille.

Il est facile de concevoir l’affreux écroulement qui se fit dans l’âme de la malheureuse femme quand elle apprit soudain que cette enfant, si tendrement chérie, n’était pas sa fille, mais celle d’un criminel, d’un demi-fou dont les tares héréditaires et les instincts violents revivaient dans la jeune fille. Il est facile d’imaginer ce que furent sa douleur et son horreur.

Mme Travis, en effet, lorsqu’elle sut que Florence était la mystérieuse femme au Cercle Rouge, comprit aussitôt, du moins dans ses grandes lignes, toute l’étendue de l’abominable secret. Certaines confidences échangées entre Florence et Mary, et qu’elle avait entendues sans y prendre garde sur le moment, l’éclairaient. De plus, au temps jadis, alors que Mme Travis accompagnait son mari au cours de ses expéditions aventureuses aux mines d’or,