Page:Leblanc - Le Chapelet rouge, paru dans Le Grand Écho du Nord, 1937.djvu/56

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Enfin à midi, ils s’attablaient. Menu anguille sauce tartare, lièvre, perdrix aux choux, pâté de campagne.

« Ça vous va ? demanda M. Rousselain. Avec ça du sauternes et une vieille bouteille d’un pommard qui passe pour fameux. »

Le repas, comme il convenait dans un lieu attristé par un tel drame, fut grave, mais allègre comme il sied quand on est servi par une souriante femme de chambre. M. Rousselain faisait des grâces, racontant ses aventures du Quartier latin et tâchant d’éblouir ses auditeurs par des histoires de pêches miraculeuses.

De temps à autre, il s’excusait de son entrain.

« Que voulez-vous ? la vie continue. Entre les acteurs du drame, évidemment, c’est l’épouvante et l’horreur. Mais pour les autres, on ne peut cependant pas arrêter leur existence. Vanol et les Bresson, si avides qu’ils soient de s’enfuir, dégustent comme nous un bon déjeuner. Chacun parle. Chacun songe à ses petites affaires. Et regardez Amélie, toute de noir vêtue, et l’air un peu contrit, cela l’empêche-t-il de sourire au bon vivant que je suis ? Amélie, vous êtes charmante. Un verre de pommard, Amélie ? Parfait… ça vous étourdit un peu, hein ?… Amélie, vous êtes plus que charmante. »

Ce n’est qu’au café que, la table débarrassée, le substitut réussit à mettre la conversation sur l’enquête. Il le fit en termes délicats, exaltant l’habileté et la prudence avec lesquelles l’affaire avait été menée.

M. Rousselain trancha aussitôt, en sirotant sa fine champagne :

« Elle est réglée, l’affaire. »

— Comment, réglée ? se récria le substitut, abasourdi. Il y a du nouveau ?

— Rien du tout.

— Vous entrevoyez donc une lueur ?

— Aucune. Cependant, la vérité sur le vol — que ce vol soit justifié ou non — nous est connue. Reste le crime. Eh bien, ne pensez-vous pas que nous avons la preuve que Bernard Debrioux a pénétré dans la chambre de Mme d’Orsacq ? Mettons que l’on se heurte en-