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Page:Leblanc - Le Coffret de voyage, 1921.djvu/3

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JE SAIS TOUT

premier rang. On faisait cercle autour d’eux. Andermatt se raidissait, gonflé d’importance, la figure rouge.

— C’est bien de mon pays, prononça le jeune Français.

Il prit une timbale qu’il examina, la remit dans son écrin de cuir, et il ajouta avec un accent où perçait quelque émotion :

— Il est même rare que l’on trouve de ces coffrets chez les antiquaires. Les familles les gardent jalousement, comme des reliques du passé le plus intime. Pour ma part, je n’en ai jamais vu un seul qui fut à vendre.

— Celui-ci fut cependant vendu, remarqua Mme de Horven, puisque Karl Andermatt l’a acheté.

Georges d’Estours ne répondit pas. Distraitement il faisait jouer différents ressorts, en homme habitué à ces sortes de secrets, et l’attitude qu’il gardait imposait autour de lui un silence plein de curiosité. À la fin, il se tourna vers l’Allemand.

— Vous avez fait la guerre, Monsieur ?

Les deux hommes s’étaient souvent rencontrés chez Mme de Horven. Toujours corrects l’un envers l’autre, ils évitaient de se parler et, autant que possible, de se donner la main.

Andermatt se mit à rire.

— Parbleu, Monsieur ! comme un bon Allemand que je suis. Quatre ans de guerre.

— En France ?

— Bien entendu, appuya Andermatt. Durant quatre années, j’ai fait la guerre en France.

— Dans le département de l’Aisne ?

— Un peu partout, mais aussi, en effet, dans le département de l’Aisne.

— Et vous avez peut-être cantonné aux environs de Laon ?

L’Allemand hésita, comme s’il se fût étonné de cet interrogatoire. Puis il déclara :

— Je crois me souvenir, en effet…

— Précisons… au château de Fressibore ?

Cette fois, l’Allemand se cabra.