Page:Leblanc - Le Prince de Jéricho, paru dans Le Journal, 1929.djvu/8

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

— Très démodé, acquiesça Nathalie. Je date un peu, et même beaucoup. Pour vous, Janine, Henriette, l’amour est un sentiment raisonnable, qui se plie aux nécessités de la vie. Pour moi, j’en suis à la conception puérile d’autrefois. J’ai gardé de mes lectures d’adolescente, alors que je dévorais tous les romans que ma mère tenait de sa grand-mère, des enthousiasmes absolument risibles pour certaines existences audacieuses, pour certains personnages à la Byron.

— Pour les héros de Walter Scott ?

— Même pour ceux de Fenimore Cooper.

— Vous ne voudriez tout de même pas, dit Maxime, épouser le dernier des Mohicans.

— L’épouser, non…

— Mais être enlevée par lui, hein ? ou par un chevaleresque corsaire, un ténébreux pirate ?

— Voilà.

— Alors quoi, Jéricho ?

— Je ne dis pas non, fit-elle gaiement.

Forville, qui ne comprenait pas bien la plaisanterie, se récria :

— Mais Jéricho n’est qu’un vulgaire bandit, un assassin…

— Qu’en savons-nous ? On ne le connaît pas. Quelques relations de captifs échappés ou de complices capturés, lesquels, d’ailleurs, se contredisent tous… Pour les uns, c’est un monstre, pour les autres, un homme généreux… que toutes les femmes adorent, dit-on. Il en est qui ont tout quitté pour lui.

— Racontars ! dit Forville.

— Tout n’est pas racontars. Et dans ce qu’on sait de lui, quelle allure !

— Oui, pendaisons, supplices…

— Quelle témérité ! Quel mépris du danger ! Vous rappelez-vous l’abordage du torpilleur Apollon ? Et son attaque du petit village sur la côte des Maures, quand il a réuni en plein jour tous les habitants, et qu’il les a contraints à livrer tout l’or du pays ?

— Charmant ! dit Maxime.

— Et tant d’exploits qui tiennent déjà de la légende ! Le roi de la Méditerranée, comme il s’intitule. « De Suez à Gibraltar, je suis le maître de l’heure. »

— Le maître de tuer, ricana For-