Page:Leblanc - Le Prince de Jéricho, paru dans Le Journal, 1929.djvu/90

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Autrefois elle venait sur son âne. Mais il est mort de vieillesse.

Ayant ainsi parlé, il s’éloigna sans plus se soucier du monsieur et de la dame.

Ils entendirent ses pas et le bruit de sa canne dans l’escalier, et, par une des fenêtres, ils le virent dehors qui s’en allait aux côtés d’une grande personne, un peu lourde, vêtue de façon démodée, mi-campagnarde et mi-demoiselle. Ils causaient avec animation.

Le monsieur et la dame se mirent à explorer la salle, regardant les titres des livres et les portraits d’ancêtres.

— Voulez-vous que je vous dise, Nathalie ? s’écria le visiteur. Eh bien ! cela donne l’impression d’une pièce qui n’est pas habitée, mais que l’on entretient pieusement comme au temps où elle l’était. C’est d’ailleurs ce qu’on nous a répondu à l’hôtel de Brest. La dame de Plouvanec’h est décédée, son fils également, et le vieux régisseur, qui n’a guère sa tête à lui, soigne le domaine comme il peut, c’est-à-dire mal.

Nathalie répliqua :

— En ce cas, que faisons-nous ici, Maxime ?

— Nous cherchons. Nous cherchons depuis quatre jours, selon vos désirs.

— Nos renseignements sont si vagues.

— Que voulez-vous ? Pasquarella a cru comprendre que le château de Bretagne, où Jéricho fut élevé, s’appelait Plouven… ou quelque chose comme cela… J’ai établi une liste. Mais j’ai peur que, cette fois encore, nous n’en soyons pour nos frais.

— Partons d’ici, fit-elle. Ces ruines sont d’une tristesse…

— Comme toutes les ruines, dit Maxime.

Il examina la panoplie, mania quelques armes, puis jeta un dernier coup d’œil sur la table de travail. Il allait renoncer à ses investigations lorsque, tout à coup, il s’écria :

— Ah ! ça, c’est curieux, Nathalie. Si je m’attendais à une pareille trouvaille !

— De quoi s’agit-il ? dit Nathalie, étonnée de son émoi.

— Regardez, dit Maxime, ce livre ouvert !… Regardez le titre… et, en marge, ce coup de crayon rouge…

Elle avança vivement. Mais à peine avait-elle lu les premiers mots de la citation qu’elle sauta en arrière et balbutia :

— « Le Corsaire !… » Oh ! partons, Maxime… Il est ici… c’est certain… Comment voudriez-vous admettre ?…

Il expliqua :

— Mais non, Nathalie, Ellen-Rock est à Paris. Je l’ai encore vu le jour même où nous nous en allions.

— Mais ce livre ?…

Elle ne voulut rien écouter. Elle entraîna Maxime avec autant de frayeur que si Ellen-Rock lui apparaissait, et ils gagnèrent le jardin, puis sortirent du domaine.

L’automobile de Nathalie stationnait à trois cents pas de là, sur les confins des grands bois. Elle dit au chauffeur :

— Nous retournons à Brest. Rapidement. Je veux prendre le train de