Page:Leblanc - Le Prince de Jéricho, paru dans Le Journal, 1929.djvu/98

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— Pas d’erreur.

— Dans vingt minutes peut-être ?

— Il marchait vite. Comptez-en dix…

— Nom d’un chien ! grogna Boniface. Ça me tourne les sens, l’idée que je vais le voir et que… Mais qu’est-ce que vous faites donc, Forville ?

Forville décrochait un des fusils de la panoplie et il demanda :

— Vous m’avez rapporté des balles. Ludovic ?

— Oui, une boîte, comme convenu.

Forville déchira l’enveloppe, ouvrit la boîte, et chargea les deux canons de son fusil. Puis il fit le geste d’épauler, ajustant l’arme et visant la petite porte.

— Ça va, dit-il, les yeux étincelants. Ellen-Rock est réglé. Maintenant, plaçons-nous.

Ils choisirent comme poste le palier, au seuil duquel pendait une tapisserie, qu’ils rabattirent. En outre, au cas impossible où Ellen-Rock serait venu par l’entrée principale, ils avaient l’avantage de dominer l’escalier.

L’attente fut lourde. Nathalie, les mains glacées, la tête en feu ne pensait plus à fuir, mais d’autre part, elle n’avait aucun plan. Ses jambes vacillaient sous elle. Elle regardait, elle écoutait éperdument.

Boniface prononça, assez fort pour qu’elle entendît :

— Vous n’allez pas tirer tout de suite ?

— Pourquoi pas ?

— C’est idiot. Car enfin, il ne peut pas nous échapper, et, en l’observant, nous pouvons voir ce qu’il fait, et s’il cherche quelque chose.

— En voilà une idée !

— Une idée raisonnable. Je suis persuadé qu’il y a quelque part, bien cachée, une réserve d’or.

— Absurde !

— Mais non, mais non. Sans quoi, pourquoi viendrait-il ici ?

— Parce qu’il a retrouvé ses souvenirs perdus… Parce qu’il aperçoit dans son passé Jéricho le pirate et, au-delà de Jéricho, Jean de Plouvanec’h. Et c’est Jean de Plouvanec’h qu’il vient chercher dans le château qu’il habitait avant la guerre.

— N’importe ! insista Boniface. Nous avons intérêt à voir ce qu’il va faire.