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LA COLOMBE APPRIVOISÉE

— C’est moi, Patrice, moi qui n’avais pas oublié notre accord, et qui m’en réjouis de nouveau.

Il retrouva Dominique dans l’auto. Elle avait vu danser les deux amies magnifiques et elle avait fui la fête, se débattant contre une jalousie cruelle, désespérée qui la torturait à l’évocation de tout ce qu’elle pressentait sans y pouvoir rien.

Il monta vivement, prit le volant, et démarra.

— Je suis un peu en retard, dit-il maladroitement. Tu m’excuses ?

— À une condition, c’est que tu ne mentes pas.

— Pourquoi mentirais-je ?

— Tu m’as quittée ce soir pour retrouver les danseuses… la plus belle des deux, sans doute. Pourquoi ?

Il balbutia :

— Pour savoir avec qui j’étais le soir du Gazon Bleu, et si j’ai tué vraiment la Pierreuse.

— Et retrouvant Isabella, tu l’as reconnue, comme étant ta compagne du Gazon Bleu… et vous avez recommencé… Ah, Patrice, quelle abomination !

Elle se tut. Lui aussi demeura silencieux. Il s’aperçut qu’elle pleurait.

— Ne m’en veux pas, Dominique. Je ne pouvais plus vivre avec cette hantise de crime. J’en suis délivré maintenant.

— Oui, au prix d’une nouvelle faute ! Au prix d’un acte semblable au premier… et conscient cette fois-ci…

— J’avais besoin de m’étourdir, d’oublier. Les accusations de Julot contre toi m’ont bouleversé.

— Une mauvaise action, dit-elle, ne donne pas l’oubli.

La voix brisée, elle acheva :

— Je t’en supplie, Patrice… Comprends bien ce que tu as fait. Nous sommes déjà assez malheureux tous les deux. Nous n’avons pas le droit de nous infliger volontairement des suppléments de douleur intolérable… Notre peine à chacun suffit.

— Pourquoi cet homme a-t-il dit de telles horreurs ?

— N’y crois donc pas.