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L’AMANT DE DOMINIQUE

nouissement qui la livrerait toute. Dans un sursaut désespéré, elle se dégagea une seconde.

— Lâche ! s’écria-t-elle, lâche !

— Je te veux ! répondit-il en la ressaisissant.

Une voix froide et menaçante s’éleva :

— Éloigne-toi d’elle, Richard, ou je te brûle la cervelle.

Suivant le même chemin que Richard, Patrice avait escaladé le balcon, poussé les persiennes. Il se tenait debout à trois pas de Richard qui, obéissant, avait reculé et regardait le revolver que Patrice braquait sur lui d’une main qui ne tremblait pas.

Dominique, ayant échappé à son agresseur, se rajustait en gestes rapides. Patrice, s’adressant à Richard, reprit d’une voix dure et lente :

— Si réellement c’était toi l’homme du Gazon Bleu, tu es le dernier des misérables, car tu as agi volontairement, sciemment, comme un lâche, ainsi qu’elle vient de te le crier. À moi, ton ami, tu as volé son bien le plus précieux : sa femme. À cette femme tu as volé ce qu’elle ne t’aurait jamais accordé de son plein gré, je viens d’en avoir la preuve en vous épiant une seconde de ce balcon. J’ai cru un moment que vous étiez de connivence et c’est pour vous surprendre que j’ai hâté mon retour de Paris où tu vivais dans mon ombre, inquiet, bizarre, tortueux, tâchant de deviner mes intentions, tâchant de me faire préciser la date de mon retour ici. Et moi, perplexe, mal à l’aise, j’avais l’intuition de ta fausseté, de la volonté sournoise de me devancer ici. Je n’ai plus eu aucun doute hier quand tu m’as déclaré que tu partais en voyage et je t’ai suivi ce soir. Maintenant, je sais. Mais ton forfait de rencontre, de hasard au Gazon Bleu, est mille fois moins infâme que le forfait prémédité que tu as tenté ce soir. Voleur d’amour ! Menteur et lâche ! Fanfaron qui te sers d’un souvenir de honte pour faire du chantage !

Fouaillé par ce mépris, par ces insultes qui le frappaient d’autant plus cruellement que Dominique assistait à la scène, Richard se redressa :

— En voilà assez ! Je suis à ta disposition, Patrice.

Patrice eut un ricanement sec :

— Vraiment ? Mais moi je ne suis pas à la tienne. Un duel ?