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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

où ce n’est pas inutile de laisser évader les gens qui peuvent, sans le savoir, par leurs démarches, vous renseigner. Jules Caboche, sans se douter que je savais tout, a revu plusieurs fois monsieur L’Heurois. Et puis monsieur L’Heurois et monsieur Antoine Ganet ont préparé leur départ pour l’Amérique. En allant au Havre, ils ont été vous voir au Château de Courjeul où vous avez passé l’été avec madame.

— Ah ! vous savez cela ?

— Naturellement, mon cher maître. Je sais même que Monsieur L’Heurois est venu un soir, par le balcon comme Roméo, et qu’un quart d’heure après, vous êtes arrivé à votre tour par le même chemin. Après, monsieur L’Heurois est parti, — toujours comme un monte-en-l’air, — et vous avez passé, madame et vous, une heure au balcon à regarder les étoiles.

— Abrégez, dit Patrice crispé.

— Abréger ? Je veux bien, mon cher maître, mais le plus intéressant est à dire. Je sentais que c’était du côté de monsieur L’Heurois que j’aurais la chance de tout savoir. Le numéro de l’auto et le reste avaient disparu à la mort de Julot. Oh ! je ne vous demande pas qui les a fait disparaître… Quand on ne peut pas prouver il n’y a qu’à garder le silence… Bref, pour me renseigner, ma foi, je suis allé en Amérique à la suite de vos amis. Ou plutôt, je les ai bel et bien précédés. J’étais à New York quand ils sont arrivés. Là, ils ont changé d’itinéraire, au lieu d’aller en Amérique du Sud par le chemin de fer, ils se décidèrent pour le voyage en mer. Et pour aller de New York à Montevideo, le bateau qu’ils prirent s’appelait le Georges-Washington

— Le Georges-Washington ? s’écria Patrice. Celui qui a brûlé au large des Antilles ?

— Celui-là même. Et ça a été un incendie dramatique, un naufrage épouvantable. Les journaux français n’en ont pas donné tous les détails, il y en eut de terribles, d’autres émouvants. Un surtout, dont pour ma part, je n’ai eu connaissance qu’un peu après. Un passager de troisième classe, un Français, se trouvant dans une cabine de l’entrepont, a été cerné par les flammes. Il paraît qu’on l’entendait hurler. Alors, un passager de première classe s’est jeté