Page:Leblanc - Le Scandale du gazon bleu, 1936.djvu/140

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
138
LE SCANDALE DU GAZON BLEU

faire chanter, nous avait débité une histoire fausse… ou vraie ! Richard a voulu nous rassurer, il a voulu expier sa folie d’un moment…

— Qu’il a rachetée de sa vie, dit Dominique douloureusement.

— Tu le plains ? Tu le regrettes ?…

— Oh ! Patrice.

— Oui, j’ai tort, c’est affreux ce que je viens de dire, il est mort pour nous ! Oui, c’est affreux cela aussi, eh bien, j’en suis heureux… Je ne sais plus rien, Dominique, nous ne savons plus rien, nous sommes dans le noir, comme en cette nuit fatale, malgré les lampes bleues. Qui a dit vrai ? Qui a menti ? Tiens, je ne sais plus ! ma tête éclate ! J’en deviens fou !

Il marchait à grands pas dans le bureau, les yeux égarés, les poings crispés.

— Patrice ! murmura Dominique.

En deux pas rapides, il se rapprocha du divan, s’abattit à genoux devant Dominique et posa sa tête sur ses genoux qu’il étreignit. La jeune femme lui caressa les cheveux, appuya sa main sur cette tête endolorie.

— Patrice, mon chéri, mon cher amour, mon seul amour, calme-toi, calme-toi…

Sa voix était tendre comme son geste. Elle n’avait plus d’émoi, plus de crainte. Elle savait bien qu’à présent elle allait l’emporter définitivement sur le mauvais trouble. Patrice souffrait encore. Il fallait le guérir, il fallait le convaincre, ce n’était plus qu’un enfant. Elle était l’amoureuse et la mère dans sa féminité multiple. Elle était la femme qui apaise, qui console, même par des mots menteurs… et qui fait croire à la vérité dont elle-même doute.

Elle releva la tête qui pressait ses genoux. Elle embrassa ce front lourd encore de soucis.

— Assieds-toi près de moi, Patrice, dit-elle en lui faisant place à ses côtés. Laisse ta main dans la mienne, ne pense plus au passé, ne pense plus au tourment. Que vas-tu imaginer encore d’invraisemblable et de torturant ?… As-tu tant que cela le besoin de souffrir ? N’était-ce donc pas bon l’apaisement où nous étions ?

— Oui, c’était bon… trop bon. Cet homme a tout remis en ques-