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LA FEMME D’UN SEUL HOMME

tion par sa visite, je ne sais plus. Avoue que toi-même tu ne sais plus.

Dominique eut un regard de volonté inflexible, de détermination immuable. Elle ne voulait plus souffrir, elle ne voulait plus qu’il souffrît.

— C’est faux, dit-elle nettement. Je ne doute pas et tu n’as pas le droit de douter. Dès le premier moment, je t’ai dit : « C’est dans tes bras que je suis tombée, c’est moi que tu as possédée. »

« Richard, une nuit, à Courjeul, a menti. L’autre, Julot, cet être ignoble, a menti aussi. Il est vrai que Richard, pour expier sa faute, pour racheter son mensonge, nous a envoyé Jules Caboche. Mais ce que Jules Caboche est venu nous dire en rendant le collier, c’est la vérité absolue, la vérité qui est conforme à ma conviction profonde et à la réalité des faits. Le contraire ne peut être qu’hypothèse et mensonge. Acceptons cette vérité que nous a apporté le message envoyé par Richard, décidé dès ce moment à mourir. Il me semble entendre Richard nous dire : « Je suis mort, vous n’avez pas le droit de douter de ma parole. » Et il a raison, sa parole est sacrée. Il a payé chèrement son égarement passager, sa honteuse tentative, que je lui pardonne et que tu dois lui pardonner. Il est mort, nous devons le respect à sa mémoire, et ce respect c’est de ne pas douter de lui.

La voix de Dominique, vibrante de conviction, berçait Patrice, endormait ses dernières amertumes. Il comprit soudainement tout ce qu’il y avait d’injuste dans les reproches, dans les trahisons, dans les humiliations qu’il avait fait subir à cette femme, pour une faute d’un instant, qui avait été sa faute à lui… s’il y avait eu faute… Il admira confusément la longue patience de Dominique qui avait si durement expié… sans une plainte, sans un reproche… Et c’était elle qui le consolait !

— Tu as raison, dit-il, tu es sage et bonne. Oui, j’en ai assez de me débattre aveuglément dans cette boue. Oui, je veux revivre, en oubliant définitivement ce qui n’est que le mauvais songe d’une nuit d’été ! Nous n’allons pas passer la fin de notre existence à nous déchirer tous les deux pour un acte sur lequel nous ne saurons jamais rien de précis. Richard nous offre un dénouement… c’est