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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

secret de son âme… Souvent, quand elle était seule, elle s’attristait en songeant à Richard ; souvent elle frissonnait en songeant à Julot… Mais toujours, passionnément, loyalement, de toute sa jeunesse et de tout son amour, elle se pâmait aux bras de son mari… « L’orage rajeunit les fleurs. », a dit le poète des Fleurs du Mal. Dominique, splendide fleur de chair, vivante et vibrante, connaissait ce rajeunissement, ce renouveau divins… après la tempête qui avait failli la briser, qui la rendait plus belle, qui lui avait enseigné le prix de la vie et de la relativité des élans qui se croient exclusifs… Les femmes peuvent unir en elles tant d’amours différentes auxquelles leurs âmes multiformes, souples et changeantes, savent donner une harmonie si charmante et si diverse !…

Dominique, maintenant, avait retrouvé son équilibre. Elle ne doutait pas qu’elle n’eût jamais été que la femme d’un seul homme. Si pour elle, dans sa pensée, il changeait parfois un peu de visage, si ce visage ressemblait parfois vaguement à Richard et vaguement à Julot, c’était quand même l’unique visage de Patrice, et Dominique ne donnait jamais à ce seul homme qu’un nom : « Patrice… »

L’amour heureux n’est pas forcément un bloc de cristal impeccable et dur. Des impuretés, des ombres, des taches flottent dans cette transparence glacée. Mais l’œil ravi des amants ne les distingue pas et ne voit que perfection, unité et lumière insondable…


fin