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L’ENQUÊTE SUR LA PELOUSE

— Ces lignes : « Le soin immédiat et essentiel à quoi la police apporte toute son activité est de retrouver l’écharpe jaune. Il est évident que la victime portait cette écharpe au moment où elle a été tuée. C’est pourquoi on ne retrouve pas d’empreintes de doigts sur son cou. Il est évident aussi que l’écharpe jaune offrirait des empreintes d’un intérêt capital. Retrouver l’écharpe, c’est retrouver le meurtrier. Les enquêteurs s’y emploient et la piste offerte par la présence d’une dernière auto dans le chemin voisin de la pelouse leur paraît très intéressante. Nous n’en disons pas davantage pour ne pas entraver leur tâche. »

Patrice, hors le lui, se frappait la poitrine avec indignation. Il cria d’une voix étranglée :

— L’écharpe jaune ! Le meurtrier ! Moi, le meurtrier ! Allons donc ! J’aurais possédé cette femme et je l’aurais tuée dans un accès de folie soudaine !… Allons donc !…

La tête dans ses mains, il eut un rire faux, douloureux.

« Moi ! Moi ! un sadique ! un aliéné ! un dément sexuel ! Quelle absurdité ! Quelle absurdité impossible ! Et puis… et puis quoi ? Admettons un moment d’aberration.. Mais sacrebleu je le saurais ! Elle a crié, cette femme ! Quand elle a crié j’aurais entendu ! Et j’aurais bien su que c’était elle qui était dans mes bras ! Non, le fait que j’ai l’écharpe ne signifie rien ! rien du tout ! Je l’ai ramassée par terre cette écharpe, au hasard, sans en avoir conscience ! Voilà tout !

Il regarda un moment autour de lui, silencieux et farouche. Il parvint à se dominer, haussa les épaules.

— Ma parole, je crois que par moments je perds la tête. Je me laisse émouvoir à ce point par ce qui n’existe pas ! par ce qui ne peut exister ! Écoute, Dominique, il faut nous ressaisir, tenir bon, faire face aux événements, vivre comme si de rien n’était.

— Oh, si nous pouvions, gémit la jeune femme, effondrée dans son fauteuil.

— Il le faut, je te dis ! Il le faut ! Pour commencer nous avions accepté d’aller ce soir au théâtre avec les André Roussel, n’est-ce pas ? Eh bien il faut y aller ! les rejoindre dans leur loge, comme convenu ! Il faut qu’on nous voie partout… là où on avait l’habi-