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VI

La chasse aux colombes

Le brigadier Delbot ne devait qu’à lui-même la situation en vue qu’il occupait, malgré sa jeunesse, à la Police Judiciaire, la P. J., comme on dit à la Préfecture. Il était le type même des policiers modernes qui ont avantageusement succédé aux policiers ancien modèle et ont remplacé les vieilles méthodes mystérieuses et empiriques par les procédés d’une technique plus sûre et plus scientifique.

De taille moyenne, maigre, sec, musclé, le visage osseux, les yeux gris et aigus, le brigadier Delbot, infatigable, toujours prêt à l’action, méprisant le danger, doué d’un esprit subtil et d’une volonté de fer, avait au plus haut point l’amour de son métier et la religion de la Justice. Il ignorait les concessions faites à ces sentiments de pitié et d’indulgence qui sont à la mode. Il s’embarrassait peu des questions complexes de responsabilité et d’irresponsabilité tant discutées par les psychiatres depuis Lombroso. Pour lui, un coupable était un coupable et n’avait pas d’excuses. Le devoir seul comptait, impliquant seulement la nécessité d’agir et de châtier pour la défense de la Société contre l’armée du crime. Et sa notion du devoir était aussi étroite qu’implacable. Avec cela, une intelligence réelle, une tenue morale parfaite, un « flair », une pénétration surprenante. Le tout doublé d’une ambition excessive, fondée sur un orgueil sans limites, sur une certitude de sa supériorité, de son infaillibilité, qui l’entraînait parfois à des actes