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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

effarouchée, hésitante, l’autre colombe, aussi charmante, voilée de la même gaze. Elle blonde, plus rose.

« Toutes deux se regardent avec un tendre émoi. Elles se rapprochent, se joignent, s’enlacent. Leurs lèvres tendues, s’effleurent, se quittent, se retrouvent, se prennent davantage et plus profondément, pendant que les bras fins étreignent les tailles déliées.

« Et voici que la première, de sa main droite, caresse le dos de la blonde. Elles sont face à face toutes deux, les deux corps se touchent presque. La main caressante abaisse la gaze, peu à peu, la remonte, cache, découvre les formes exquises… et soudain les dévoile du haut en bas. Elle-même rapidement se dénude aussi en tournoyant sur place. Elles n’ont plus aucun voile. Elles dansent alors par évolutions lentes, harmonieuses. Les corps sont fins, gracieux, la poitrine, les hanches sont peu apparentes, les longues jambes, fuselées.

« Souvent elles se rejoignent, s’accolent. Leurs mains amoureuses caressent leurs bras, leurs épaules, leurs seins graciles qu’elles baisent amoureusement. Tout cela est d’une volupté infinie, mais aussi, délicat, mesuré, à fleur de peau, comme un jeu irréel que ne précise aucun geste choquant, aucune caresse significative et trop osée.

« C’est de la tendresse douce, à peine sensuelle, un désir enveloppant et presque chaste. Quand elles se séparent et se poursuivent, c’est avec une grâce parfaite. Elles savent marcher et courir. Véritables divinités de plein air, en accord avec la nature, avec les branches des arbres, avec l’herbe qu’elles foulent à peine, elles évoquent les adorables fêtes païennes célébrées aux anciens jours pour le culte de la beauté. »

Les spectateurs, sur leurs sièges, suivaient avec une attention frémissante le spectacle gracieux d’un érotisme léger où ils puisaient une exaltation sensuelle, trouble et pourtant esthétique à cause de la beauté et du tact des danseuses.

Delbot, sur sa chaise, ne bougeait pas, il était malgré sa dureté de policier assez homme, assez artiste, pour être saisi par le charme de l’adorable scène et n’en rien vouloir perdre. Scène assez brève