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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

un bandit et deux danseuses de carrefour, nues et provocantes. Et la fête est devenue partouse, est devenue une crapuleuse orgie où les couples se sont mêlés, possédés sur l’herbe… pour se terminer par l’assassinat d’une femme.

Tout le monde en parlait… Hypothèses, suppositions… Qui étaient les quatre inconnus ?… Des détails troubles, graveleux… Les journaux consacraient des colonnes au scandale du jour — scandale de mœurs qui faisait oublier les scandales financiers et politiques. — Les feuilles graves étalaient une vertueuse indignation… Ô temps ! Ô mœurs ! Les journaux de grande information publiaient des reportages sensationnels, des photographies de l’Auberge, de la pelouse, de la femme tuée, du sieur Dorlodoux que cette publicité gratuite ravissait, — des deux danseuses, qui étaient l’objet d’articles nombreux, fruit des enquêtes personnelles des meilleurs reporters. On décrivait leur confrontation, l’amitié équivoque qui les liait toutes deux : Fancy plus jeune, plus impulsive, plus naïve (si ce mot s’applique), plus touchante, non moins jolie dans sa blondeur et avec plus de féminité que la presque brune Isabella, volontaire, dominatrice, virile en quelque sorte malgré toute sa grâce délicate, et dont la distinction native, l’aisance un peu hautaine et pourtant si simple, la correction, oui, malgré tout, de vraie femme du monde, dévoyée peut-être, mais authentique, frappait les magistrats et les policiers eux-mêmes. Malgré toutes les recherches on ne put rien découvrir sur elles deux. Fancy comme Isabella restèrent énigmatiques. Quels étaient leurs vrais noms ? leurs vraies nationalités ? d’où venaient-elles ? qu’avaient-elles fait jusqu’alors ? On ne savait pas… On ne le sut jamais…

Ce mystère joint à celui qui entourait les trois hommes et la femme inconnue ajoutait du piquant au scandale du Gazon Bleu qui s’amplifiait tous les jours, d’autant plus que la saison d’été était par hasard calme et dénuée de toute autre affaire à grand orchestre qui eût pu détourner l’attention générale.

Aussi, contrairement aux prévisions de Patrice Martyl, le bruit soulevé par l’affaire prenait un retentissement effarant, se propageait chaque jour. Et la cause s’en trouvait dans les déclarations d’Isabella, — ces déclarations que l’avocat, selon ce qu’il estimait