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LES MAINS AUTOUR DU COU

douce, si soyeuse ! S’il osait maintenant ne l’accueillerait-elle pas ? Ne serait-ce pas le refuge endormeur où il abriterait sa détresse !… Oui, elle l’accueillerait encore, sûrement. L’étrangère redeviendrait l’amie, la compagne, l’épouse. On ne dirait pas un mot qui pût réveiller les mauvaises pensées, ressusciter les idées empoisonnées. Mais tout bas, comme s’il s’agissait d’une histoire qui ne ne les concernait pas, il raconterait comme on dit une fable à une petite fille : Il était une fois deux Colombes, la Police les a arrêtées… Et il parlerait de sa peur devant le danger qui croît.

Il se pencha davantage, découvrit l’épaule blanche, le haut de la gorge si douce, il retrouva sa place favorite, si tiède, si parfumée.

Du temps encore… Entre eux un silence plus intime, presque confiant… Et un tel apaisement ! Un souvenir si poignant des heures d’autrefois, qui se sont écoulées ainsi… La main de Patrice caresse l’épaule lentement, suivant le chemin d’autrefois ; elle glisse, s’insinue, écarte la chemise impalpable, frôle, saisit ce qu’il préfère d’elle, la gorge épanouie, les seins lourds pleins de sève, de vie frémissante, savoureux au toucher des doigts comme au toucher des lèvres. Mais Dominique, les yeux à demi clos, murmure :

— Non, Patrice, non, je t’en prie, reste sur mon épaule, ne bouge pas… Dis-moi ce que tu as à me dire…

Il est trop tard. Le désir est venu sournoisement, brusquement, soudain irrésistible. Les gestes de Patrice se précisent, sont plus nerveux, plus audacieux.

La jeune femme se redresse, le repousse.

— Non, non, je ne veux pas. Plus tard… non… C’est impossible ! je t’en prie !

Mais déjà elle ne peut plus résister. Le désir l’a saisie brutalement elle aussi, a fait d’elle une proie consentante et avide. Et Patrice, la tête perdue, secoué d’une fureur lascive où il y a tout à coup de l’hostilité et de la rancune, la renverse sur le divan et la prend comme s’il la violait, avec une frénésie si soudaine, qu’elle se débat effrayée… La rage de l’homme redouble, il semble une bête forcenée au moment du rut… Et subitement, inconsciemment, dans un transport presque délirant, de ses doigts crispés, il lui entoure le cou… serre… serre…