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LE SCANDALE DU GAZON BLEU

— C’est toi ? Il y a du nouveau… Qu’as-tu à m’apprendre ?

Dans son désarroi, elle faisait peine à Patrice. Il l’avait tant aimée !

— Calme-toi, Dominique. Non, non, il n’y a rien de nouveau. Mais j’ai pensé que tout de même, il est préférable… Oui, tu dois être au courant.

— Parle donc, murmura-t-elle.

Elle retomba, gracieuse sans le savoir, sur la chaise longue où elle était étendue, un livre qu’elle ne lisait pas à la portée de sa main. Aux fenêtres ouvertes, les stores extérieurs rabattus, mettaient leur barrière contre les rayons du soleil qui brûlaient la terrasse. De plus, les persiennes étaient à demi closes, laissant la pièce dans la pénombre.

Patrice, les mains au dos, selon sa coutume, pendant quelques moments sans parler, marcha, en allant et venant dans la chambre, puis il s’arrêta en face de Dominique. Elle l’avait suivi des yeux, redressée. Elle s’assit sur sa chaise longue faisant à son mari place auprès d’elle. Il s’y assit, gêné, presque timidement. Et il s’étonna tout à coup de la séparation profonde qui s’était faite entre eux. En moins de deux semaines Dominique est devenue pour lui une étrangère. Que va-t-il lui dire ?… Quelle assistance peut-il réclamer d’elle ? En vain il se cramponne au souvenir du tendre passé. Il lui semble qu’il ne connaît plus cette femme qui est là. Ce qui s’est passé les a détachés l’un de l’autre. Une confidence qu’il voudrait faire se refuse à sortir de ses lèvres.

Cinq… dix minutes s’écoulent. Patrice s’est à présent habitué à l’obscurité. Il distingue mieux Dominique assise, là, près de lui ; elle a sa tête entre ses mains, elle est vêtue d’une robe d’intérieur légère sous laquelle, sans doute, elle est à peu près nue. Il voit la nuque blanche sous les cheveux d’encre. Un parfum doux, insidieux, monte d’elle ; le parfum qu’il a si souvent respiré aux heures d’amour… Il s’incline doucement pour le mieux retrouver.

Soudain il pense que, s’il était plus près encore de Dominique, peut-être pourrait-il mieux lui parler. Et il se souvient… aux heures lourdes de la vie, aux heures de doute et de découragement, que de fois il a reposé sa tête lasse sur cette poitrine vivante, ample, si