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JULOT RACONTE…

Octave Rousselot parut enfin, s’assit à la place restée vide, après avoir renouvelé ses excuses à la maîtresse de maison.

Rousselot était un homme d’âge moyen, assez corpulent, chauve ; il avait l’air important, agité. Il quittait le Cabinet du Préfet, il avait vu le Juge d’Instruction, les chefs de la Police. Il avait entendu les informations données aux journalistes.

— Je ne commets donc, dit-il, aucune indiscrétion en vous mettant au courant, puisque, dès demain matin, ce que je vais vous apprendre sera connu de tout le monde.

Il prit un temps, ménageant savamment ses effets, satisfait de voir l’attention de la table entière concentrée sur lui.

— Et alors ? Et alors ? demandèrent des voix.

— Voyons, mon cher Rousselot, que s’est-il passé ? ne nous faites pas languir, demanda Mme Langrenet.

— Julot a parlé ? interrogea le bâtonnier.

— L’homme arrêté n’est pas Julot, répondit Rousselot.

— Comment ? Que voulez-vous dire ? Ce n’est pas Julot ?

— C’est un Julot… Ce n’est pas le vrai Julot. C’est cela qui explique les difficultés de l’enquête, les hésitations des poursuites.

Rousselot s’interrompit encore. L’étonnement était général.

— Voyons, Rousselot, expliquez-vous, insista le bâtonnier.

— Eh bien, voilà. Quand on s’est référé à la fiche anthropométrique du repris de Justice Julot, à son signalement judiciaire, on a constaté que l’homme arrêté à Marly-le-Roi ne répondait pas exactement aux détails de ce signalement. Il y a ressemblance entre eux, c’est tout. Les empreintes digitales, par exemple, base infaillible de l’identification précise, sont absolument différentes.

— Alors, l’homme arrêté, qui est-ce ?

— C’est un certain Caboche, dit le Trône, qui se prénomme, lui aussi, Jules, et qui est mécanicien à Marly-le-Roi. Il connaissait la Pierreuse ; le dimanche du crime, il a couru les bois de Saint-Germain avec elle. Avec elle, il a dîné au Gazon Bleu, il a rencontré les deux Colombes et il s’est trouvé mêlé dans la nuit, à la fameuse orgie dont la pelouse fut le théâtre, la police l’affirme et l’accuse d’avoir tué la Pierreuse. Il a d’abord tout nié. Puis il a avoué l’orgie mais avec une autre femme comme partenaire.